Réserve héréditaire et droits de l’homme

Droit
  • Protection juridique du patrimoine et de la famille
Par deux arrêts en date du 15 février 2024, la Cour européenne des droits de l’homme juge que ni le droit au respect des biens, ni le droit au respect de la vie privée n’impliquent un droit inconditionnel à hériter d’une partie des biens de ses parents.

CEDH, 15 février 2024, n° 14925/18, Jarre c/ France ; CEDH, 15 février 2024, n° 14925/18 Colombier

Il était question dans ces deux affaires du règlement de la succession de deux compositeurs de musique français et vivant depuis de nombreuses années en Californie. Monsieur Jarre est décédé en 2009 et Monsieur Colombier en 2004.
Dans les deux affaires :
- la loi applicable à la succession était la loi californienne,
- les enfants évincés de la succession, dévolue au bénéfice exclusif de l’épouse, ont invoqué l’ancien droit de prélèvement. Ce mécanisme permettait aux héritiers réservataires français de réclamer sur les biens français la part qui aurait dû leur être dévolue par application de la loi française et dont ils n’ont pas pu bénéficier en raison de l’application de la loi successorale étrangère.

En 2011, alors que les successions litigieuses étaient ouvertes, le droit de prélèvement a été déclaré inconstitutionnel au motif qu’il était institué au seul bénéfice des héritiers français (Conseil Constitutionnel, 5 août 2011, QPC n° 2011-159). A ce sujet, on peut relever d’ailleurs que la loi du 24 août 2021 a supprimé la cause d’inconstitutionnalité et a rétabli un droit de prélèvement, à l’article 913 du Code civil, pour les successions ouvertes à compter du 1 er novembre 2021.

Les héritiers, ne pouvant se prévaloir du droit de prélèvement devant les juridictions françaises (l’ancien ayant été jugé inconstitutionnel et le nouveau, en raison de sa date d’entrée en vigueur), ont saisi la CEDH.

Les héritiers Jarre ont critiqué l’effet immédiat de la décision d’inconstitutionnalité, en ce qu’elle les aurait privés de l’héritage auquel ils auraient eu droit par application du droit de prélèvement. Ils ont alors invoqué une atteinte au droit au respect des biens (article 1 du Protocole n° 1 à la CEDH) Toutefois, selon la CEDH, l’atteinte était proportionnée au but poursuivi. Elle rappelle, à cette
occasion, qu’elle n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents.

Les héritiers Colombier ont critiqué directement le fait d’avoir été privé du droit de prélèvement et l’absence de protection de la réserve héréditaire. Selon eux, cette absence de protection de la réserve était contraire au droit au respect de la vie privée et familiale. A ce sujet, la Cour a précisé que « l’article 8 n’exige pas la reconnaissance d’un droit général à des libéralités ou à une certaine part de la succession de ses auteurs, voire d’autres membres de sa famille ».

La présente information est à jour des textes législatifs, réglementaires et des dernières jurisprudences et tient compte des positions prises par Desorgues & Associés à la date du 17/06/2024. Les actualités présentent dans cette plaquette peuvent être en constante évolution.
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