La vente à soi-même de son activité professionnelle : un outil d'optimisation financière, patrimoniale et fiscale

Investissement, Fiscalité, Dirigeants d'Entreprises, Dirigeants d'Entreprises
  • Gestion du patrimoine pour les entrepreneurs
La vente à soi-même, ou également Owner Buy Out (OBO), est une opération de vente de son activité à sa propre société nouvellement créée en utilisant principalement l'effet de levier de la dette. Cette stratégie patrimoniale a pour effet de réorganiser sa structure sociétale avec des impacts financiers, juridiques, économiques & fiscaux.

Dans le processus de structuration ou de croissance d'une entreprise, il peut être essentiel de faire basculer une activité qui était exploitée par une entreprise individuelle vers une société.

Le passage en société est un moyen simple ayant de nombreux intérêts sur le plan patrimonial. Cela permet à tout exploitant qui exerce à titre individuel de structurer son activité professionnelle en exerçant sous une forme juridique adaptée, de séparer son patrimoine professionnel de son patrimoine personnel, d’optimiser sa politique de rémunération et son niveau de protection sociale, tout en diversifiant son patrimoine par le dégagement d’une poche de liquidité personnelle intégralement financée par l’activité.

Passer d’une entreprise individuelle à une société se fait en plusieurs étapes :

  • Le professionnel crée une société qu’il contrôle puisqu’il en est associé dirigeant ;
  • Il apporte ou vend son fonds de commerce, son fonds artisanal, sa clientèle ou sa patientèle à cette nouvelle société ;
  • En cas de vente, la société finance l’acquisition par un emprunt bancaire et/ou d’un crédit-vendeur. En présence d’un emprunt bancaire, le professionnel perçoit le prix de cession et investit ce capital au travers d’un ou plusieurs instruments financiers ;
  • Chaque année, les résultats de la société seront imposés au niveau de la société elle-même (et non plus personnellement), à l’impôt sur les sociétés, au taux de 15 % dans la limite de 42.500 € puis 25 % au-delà. 

Evidemment, de multiples possibilités existent. En cas d’apport, celui-ci peut être pur et simple ou à titre onéreux. Dans le cas précis d’un apport pur et simple, il s’agit d’un apport en nature pour lequel la valeur apportée contribue à la formation du capital social de la société (ou de son augmentation), et l’apporteur se voit attribuer, en contrepartie de son apport, des parts ou des actions de la société bénéficiaire de l’apport.

Le passage en société est une opération qui permet de répondre à de multiples objectifs patrimoniaux.

Tout d’abord, cette opération permet de structurer l’activité professionnelle, et plus généralement, le patrimoine global. Une société est une structure juridique souple avec un cadre plus protecteur. Le professionnel bénéficie donc d’une meilleure protection de son patrimoine privé. Par exemple, sa responsabilité est limitée au montant de ses apports, sauf en cas de faute professionnelle.

Ensuite, la constitution d’une société laisse le choix de la forme juridique la plus adaptée à la situation du dirigeant. La société constituée peut être, entre diverses autres formes juridiques existantes, une EURL ou une SASU. Le passage en société permet également de pouvoir s’associer avec une ou plusieurs autres personnes, chose impossible en entreprise individuelle. Dans ce cas, la société peut être une SARL ou une SAS. Au cas particulier où l’activité exercée est libérale, il peut s’agir d’une Société d’Exercice Liberal (SEL), pouvant par exemple être une SELARL ou une SELAS. Grâce au choix de la forme juridique de la société, le dirigeant peut décider de son statut social. Il a la possibilité de devenir assimilé-salarié et ainsi être affilié au régime général de la sécurité sociale à l’occasion de la création d’une SAS, ou alors conserver un statut de travailleur non salarié s’il constitue une SARL. En fonction du statut social, il est également en mesure de se bâtir une protection sociale sur mesure, notamment sur le plan de la mutuelle, de la prévoyance et de la retraite.

Aussi, cette opération laisse la possibilité au dirigeant de pouvoir optimiser sa politique de rémunération. En effet, la société permet au dirigeant de piloter sa rémunération puisqu’il fixe le montant de son appointement, et il est imposé personnellement à l’impôt sur le revenu sur le montant du salaire/de la rémunération de gérance (selon son statut social) qu’il perçoit. Il peut ainsi contrôler son niveau d’impôt, chose qui ne pouvait être faite en entreprise individuelle puisque l’exploitant était imposé sur la totalité du bénéfice réalisé, montant qui n’était pas pilotable. La présence d’une société permet également au dirigeant d’arbitrer entre une rémunération immédiate et différée. Le bénéfice net après IS peut donner lieu à une distribution de dividendes à l’associé, qui est assujetti à l’impôt sur le revenu et éventuellement aux prélèvements sociaux. S’il n’est pas distribué, le résultat peut être placé en report à nouveau ou mis en réserve, sans qu’aucune imposition personnelle pour le dirigeant ne soit supportée. La part de bénéfices mise en réserves permet de consolider la solidité financière de la société. Également, sous certaines conditions, la société peut mettre en place un ou plusieurs dispositifs d’épargne salariale, dont le dirigeant peut bénéficier.

Puis, dans le cas où l’actif nécessaire à l’activité est vendu (et non apporté) à la société, la stratégie de passage en société permet de réaliser une opération de structuration ou de restructuration de patrimoine, afin de transformer un patrimoine professionnel en un patrimoine financier, en profitant de l’effet de levier du crédit intégralement financé par l’activité, qu’il s’agisse d’un crédit bancaire ou un crédit vendeur. En effet, les liquidités générées par l’opération seront perçues par l’exploitant qui peut les réinvestir personnellement. Ceci lui permettra de détenir un patrimoine en partie liquide, et ainsi tendre au rééquilibrage du patrimoine global, patrimoine privé et professionnel, dans le but d’atteindre la clé de diversification optimale. Il peut en effet être judicieux de permettre une diversification plus équilibrée des actifs. Par un réinvestissement pertinent des liquidités, l’objectif est le développement du patrimoine. Il peut également être intéressant de diversifier les supports d’investissement. Il peut s’agir d’investissements courts ou longs termes, au travers d’un contrat où le capital peut être bloqué pour une certaine durée ou disponible à tout moment afin de conserver une certaine jouissance des capitaux. De plus, l’importance du montant investi permet de bénéficier de la capitalisation des revenus générés. Réaliser un passage en société est donc une stratégie de développement et de diversification patrimoniale.

Enfin, le passage en société peut permettre de favoriser la transmission du patrimoine par le biais de deux leviers principaux. Le premier est le remploi des fonds issus de la cession sur un contrat d’assurance-vie, permettant au souscripteur assuré de bénéficier d’un cadre fiscal avantageux au dénouement du contrat. En effet, l’investissement des liquidités effectué sur un contrat d’assurance-vie ne génère pas de taxation dans la limite des articles 757B et 990 I du CGI. Les conditions de transmission avantageuses d’un tel contrat pouvant encore être optimisées, notamment en utilisant le démembrement des capitaux dans la clause bénéficiaire. Le deuxième est l’anticipation de la transmission des titres de la société au profit des enfants, par la réalisation d’une donation de la nue-propriété de tout ou partie de ces titres. Si l’un des enfants est repreneur, l’efficacité de la donation peut ainsi être maximale si elle est couplée à l’outil du Pacte Dutreil. Il convient de noter que les règles relatives à la répartition du capital sont spécifiques lorsqu’il s’agit d’une SEL. Généralement, un décret propre à la profession doit prévoir la possibilité pour une personne extérieure à la société de détenir une participation dans le capital social. Dans le cas où cette disposition n’est pas prévue, une telle détention capitalistique n’est généralement pas permise. 

Bien que le passage en société réponde à divers objectifs patrimoniaux, il est important de garder à l’esprit qu’une telle opération engendre nécessairement des coûts et frais qui doivent être pris en compte.

Premièrement, l’opération d’apport ou de cession est soumise au paiement de droits d’enregistrement. Ceux-ci sont à acquitter par la société. Ces droits sont de 0 % pour la fraction de la valeur inférieure ou égale à 23.000 €, 3 % pour la fraction de la valeur comprise entre 23.001 € et 200.000 € et de 5 % pour la fraction supérieure. Toutefois, l’apport pur et simple est enregistré gratuitement si l'apporteur s'engagent à conserver les titres remis en contrepartie de son apport pendant 3 ans.

Deuxièmement, l’opération d’apport ou de cession engendre la constatation d’une plus-value professionnelle imposable pour l’entreprise individuelle. Les modalités d’imposition de cette plus-value dépendent de sa qualification en plus-value court terme ou long terme, dont la détermination est fondée sur deux critères : la durée de détention et le caractère amortissable de l’actif cédé. Un fonds de commerce, un fonds artisanal, une clientèle ou une patientèle est généralement un élément d’actif non amortissable. Ainsi, la plus-value est court terme si l’actif est détenu depuis moins de 2 ans. Inversement, elle est long terme s’il est détenu depuis plus de 2 ans. Fiscalement, la plus-value court terme s’ajoute au résultat de l’entreprise individuelle : elle est taxée au barème de l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales. La plus-value long terme, quant à elle, est taxée à l’impôt sur le revenu au taux spécifique de 12,8 % et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 % sans CSG déductible. Il convient de préciser qu’il est possible, sous conditions, de bénéficier d’un étalement, d’un report d’imposition ou d’une exonération de la fiscalité liée à la plus-value professionnelle générée.

Attention, dans tous les cas, le passage en société étant considéré comme une cessation d’entreprise, l’opération entraine également l’imposition immédiate des résultats d’exploitation non encore taxés sur la période d’imposition et des éventuels éléments en sursis d’imposition, notamment les provisions précédemment constatées devenant sans objet du fait de la cession.

Le passage en société est un outil formidable et souvent très bénéfique. Néanmoins, il s’agit également d’une opération complexe, qui ne doit pas être prise à légère et qui mérite d’être étudier avec précision. Elle nécessite une planification et une exécution minutieuse. Ne vous privez pas de l’accompagnement d’un expert pour une telle opération ! Le cabinet Desorgues & Associés serait heureux de travailler à vos côtés. Après avoir défini ensemble le bien-fondé d’un passage en société, nous vous préconisons la forme juridique de la société la plus adaptée à votre situation, nous vous conseillons dans la rédaction de ses statuts et notamment en ce qui concerne la définition de l’objet social, la rédaction de clauses d’agrément, ou encore dans sa stratégie comptable à mettre en place. En bref, nous vous accompagnons dans sa réalisation depuis sa conception jusqu’à son dénouement, en coordonnant et mettant à votre service l’ensemble de notre réseau d’experts : avocats, notaires, banquiers et experts-comptables.

 La présente information est à jour des textes législatifs, réglementaires et des dernières jurisprudences et tient compte des positions prises par Desorgues & Associés à la date du 29/03/2024. Les actualités présentent dans cette plaquette peuvent être en constante évolution.